Madame, Monsieur,
La fin d'année civile approchant et alors que de nombreux titres de séjour étudiant sont actuellement en cours de renouvellement, il parait utile de faire une petit point sur les critères et sur la jurisprudence 2024.
Pour mémoire, lorsqu'on est étudiant étranger en France, on peut bénéficier d'un titre annuel "étudiant", d'un titre pluriannuel "étudiant", mais aussi éventuellement d'un titre "étudiant en mobilité", "passeport talent chercheur", "scientifique chercheur", et même "stagiaire", "vacances travail" ou "étudiant en recherche d'emploi ou création d'entreprise"... Ces titres sont régis par le Code de l'entrée et du séjour des étrangers, mais aussi par certaines conventions bilatérales entre les Etats.
Dans tous les cas, le sérieux des études et les capacités financières à vivre en France seront étudiés par la Préfecture de résidence de l'étudiant étranger au moment du renouvellement.
Voici quelques exemples de décisions favorables prises à ce sujet par les tribunaux administratifs français courant 2024 :
Tribunal administratif de Cergy-Pontoise – 11ème Chambre – 23 avril 2024 – n° 2312570
Pour refuser à M. A C la demande de renouvellement de son titre de séjour étudiant , le préfet du Val-d'Oise lui a opposé un défaut de cohérence dans son cursus scolaire et une absence de progression de ses études. S'il ressort des pièces du dossier que le requérant a initialement suivi des études de droit et a échoué en première année de licence tant en 2021-2022 qu'en 2022-2023, il s'est réorienté en s'inscrivant en licence " portail Mathématiques-Physiques " à l'université d'Evry-Val d'Essonne, puis en première année de double licence économie et gestion en méthodes informatiques appliquées à la gestion des entreprises (MIAGE) à l'université Paris Nanterre, ainsi que cela ressort du certificat produit, le requérant justifiant son changement d'orientation au titre de l'année 2023-2024 par son placement initial sur liste d'attente sur la plateforme Parcoursup. Dans ces conditions, M. A C est fondé à soutenir que le préfet du Val-d'Oise a commis une erreur d'appréciation en refusant de renouveler son titre de séjour étudiant .4. Il résulte de ce qui précède que M. A C est fondé à demander l'annulation de la décision du 15 septembre 2023 par laquelle le préfet du Val-d'Oise a refusé de renouveler son titre de séjour en qualité d' étudiant . La décision du même jour, portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours doit, par voie de conséquence, être également annulée.5. Le présent jugement implique qu'il soit enjoint au préfet du Val d'Oise de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention " étudiant " dans un délai de deux mois à compter de sa notification.
Tribunal administratif de Montreuil – 8 juillet 2024 – n° 2404671, référé
Il résulte de l'instruction que lorsque M. A tente de déposer sa demande de renouvellement de titre de séjour étudiant sur la plateforme de l'Administration numérique pour les étrangers en France (ANEF), un message d'erreur apparait lui indiquant que cette procédure n'est pas disponible en ligne. Dans ces conditions, et alors qu'il établit avoir fait part de ce dysfonctionnement par plusieurs courriels aux services de la préfecture, qui n'a pas produit d'observations en défense, la demande de M. A doit être regardée comme satisfaisant aux conditions d'urgence et d'utilité de la mesure demandée, cette dernière ne faisant obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative et ne se heurtant à aucune contestation sérieuse.7. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de communiquer à M. A, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance, une date de rendez-vous pour lui permettre de présenter une demande de renouvellement de son titre de séjour étudiant. Il n'y a en revanche pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Tribunal administratif de Paris – 5e Section – 3e Chambre – 29 mai 2024 – n° 2326126 :
Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'attestation de prolongation d'instruction d'une demande de renouvellement de titre de séjour étudiant, valable du 10 février au 9 mai 2022, versée au dossier, que Mme B avait bien sollicité le renouvellement de ce titre le 5 janvier 2022, soit avant son expiration. De plus, les échanges de courriel avec les services de la préfecture établissent que, postérieurement à la lettre du 1er juin 2023 par laquelle les services de la préfecture de police ont rejeté sa demande de changement de statut " étudiant " vers un < titre > de < séjour > " vie privée et familiale " et l'ont invitée à solliciter le renouvellement de son titre > de < séjour > en qualité d'< étudiante >, la préfecture de police avait bien accusé réception d'une demande de renouvellement de < titre > de < séjour > < étudiant >, notamment en août 2023 et en dernier lieu, le 7 septembre 2023. Par ces pièces, Mme B, qui conteste la décision du préfet de police selon laquelle " aucune demande de renouvellement de < titre > de < séjour > n'est en cours " et l'a invité à " commencer une nouvelle démarche en fournissant tous les documents nécessaires ", établit ainsi avoir demandé le renouvellement de son titre de séjour . Dans ces conditions, Mme B est fondée à soutenir que le courriel du 5 octobre 2023, qui doit être regardé comme une décision faisant grief, est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle.4. Il résulte de ce qui précède que Mme B est fondée à demander l'annulation de la décision du 5 octobre 2023 par laquelle le préfet de police a refusé de lui renouveler son titre > de < séjour >.
Tribunal administratif de Rennes – 5ème Chambre – 15 octobre 2024 – n° 2404363
Il ressort des pièces du dossier que, malgré un échec, M. B, ressortissant congolais, a suivi avec assiduité et une certaine progression sa première année de licence en droit au cours des années universitaires 2021/2022, 2022/2023. Au cours de l'année universitaire 2023/2024, il s'est réorienté pour suivre au sein de l'établissement “ Sup de Vinci ” la première année de la formation intitulée " Prépa administrateur des systèmes d'information ", qu'il a validée. Compte tenu de ce parcours universitaire, marqué par une assiduité aux cours, un échec et une orientation réussie – et bien que l'intéressé n'ait pas informé les services préfectoraux de sa réorientation, ce qui est regrettable – en refusant de lui renouveler son titre de séjour étudiant pour l'année universitaire 2023/2024, le préfet de l'Orne a commis une erreur manifeste d'appréciation quant au caractère réel et sérieux des études suivies.
Tribunal administratif de Grenoble – 2ème Chambre – 14 octobre 2024 – n° 2405575
ll ressort des pièces du dossier que Mme A a validé sa première année de licence de droit-administration économique et sociale à l'université de Savoie Mont-Blanc en cinq années, de 2015 à 2020. Elle a ensuite obtenu sa licence 2 de droit à l'issue de son année universitaire 2020-2021 et validé sa troisième année de licence de droit en trois années, de sorte qu'elle est, depuis l'été 2024, titulaire d'un diplôme de licence en droit. Elle justifie de son inscription en première année de Master- juriste d'affaire à l'Esam de Lyon pour l'année 2024-2025. Le parcours universitaire de la requérante, dont le caractère sérieux n'est pas contesté, manifeste ainsi une poursuite qui doit s'apprécier en tenant compte en premier lieu de l'impact de la maladie et du décès de ses parents survenus le 17 août 2021 pour sa mère et le 14 juin 2023 pour son père, mais également de sa nécessité de travailler pour financer ses études. Dans ces conditions, Mme A doit être regardée comme poursuivant effecivement ses études au sens et pour l'application de l'article 9 de la convention franco-ivoirienne. Par suite, le préfet de la Savoie a fait une inexacte appréciation des faits de l'espèce en refusant de lui renouveler, à la date du 3 avril 2024, son titre de séjour étudiant en raison du défaut de progression de son cursus.
Eu égard au motif d'annulation retenu au point 5 et l'absence d'éléments sur les moyens actuels d'existence de la requérante, la présente décision implique seulement que le préfet de la Savoie réexamine sa situation. Il sera enjoint d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, sans qu'il soit besoin à ce stade d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Tribunal administratif de Grenoble – 2ème Chambre – 1 octobre 2024 – n° 2404539 :
Il ressort des pièces du dossier que M. C s'est inscrit, à son arrivée en France en septembre 2021, en première année de Master (Master I) d'économie du développement de la faculté d'économie de l'université de Grenoble Alpes. Après en avoir validé le premier semestre, il a été admis au redoublement pour l'année 2022-2023. Au cours de cette nouvelle année universitaire, il a validé l'ensemble des crédits à l'exception de ceux correspondants au mémoire. Le jury l'a autorisé à se réinscrire à l'université en septembre 2023 pour valider son Master I et M. C a mis à profit cette nouvelle année universitaire pour réaliser un stage de trois mois au sein de l'université, avec cinq autres étudiants de master recrutés sur candidature, pour travailler sur un projet européen d'investissement visant à la mise en place d'une nouvelle formation paysanne et dans lequel il s'est distingué par son rôle moteur et son investissement. M. C justifie avoir validé son Master I et avoir été admis en deuxième année de Master pour l'année 2024-2025. Le requérant justifie par ailleurs travailler depuis son entrée en France, en qualité d'employé de la restauration, pour financer son logement et ses études. Au regard de ces éléments, le requérant justifie du sérieux et de la poursuite effective de ses études en France. Il est dès lors fondé à soutenir que le préfet a fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce en refusant de lui renouveler son titre de séjour étudiant.
Il ressort des pièces du dossier que M. C est inscrit à l'université en deuxième année de Master pour l'année 2024-2025, qu'il perçoit un revenu net imposable mensuel moyen de 820 euros et règle un loyer d'environ 300 euros mensuel au titre de son logement au CROUS, de sorte qu'il justifie de la possession de moyens d'existence suffisants au sens de l'article 9 de la la convention franco-togolaise. Dans ces conditions, le présent jugement d'annulation implique nécessairement la délivrance d'un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement et celle d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de 8 jours. Il n'est pas justifié d'assortir ces injonctions d'une astreinte.
Tribunal administratif de Grenoble – 21 août 2024 – n° 2406188, référé
M. B conclut à titre subsidiaire qu'il soit enjoint au préfet de l'Isère de lui délivrer une attestation de prolongation d'instruction sur l'ANEF l'autorisant à travailler. Il résulte des dispositions de l'article R. 431-15-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que lorsque l'étranger a demandé le renouvellement de son titre de séjour et que l'instruction d'une demande complète se prolonge au-delà de la date de validité du titre de séjour , le préfet est tenu de mettre à la disposition une attestation de prolongation de l'instruction de sa demande. Il n'est pas contesté que M. B, dont le visa étudiant a expiré le 19 août 2024, est en situation irrégulière sur le territoire français et qu'il est ainsi, d'une part, empêché de travailler alors qu'il dispose d'un emploi qui lui permet d'assurer sa subsistance et de payer son loyer, d'autre part, dans l'impossibilité de poursuivre ses études durant l'année universitaire 2024-2025. Par suite, l'absence de délivrance d'une attestation de prolongation de l'instruction constitue, dans les circonstances de l'espèce, une atteinte manifestement grave et illégale aux libertés que constituent pour le requérant son droit d'aller et venir, ainsi que son droit au travail et aux études. Eu égard à ce qui vient d'être dit, la condition d'urgence doit être également regardée comme remplie en l'espèce. Il y a donc lieu d'ordonner au préfet de délivrer à M. B une attestation de prolongation de l'instruction l'autorisant à travailler dans un délai de 24 heures à compter de la notification de la présente décision sans qu'il soit besoin à ce stade d'assortir cette injonction d'une astreinte.